L’enfant intérieur. On a tou.te.s un enfant intérieur. Petit garçon ou petite fille…. il est là, au fond de soi, toujours prêt à jaillir de sa boite. A se rappeler à votre bon souvenir. Un peu tyran, il a la ténacité de celui qui veut absolument arriver à ses fins parce qu’il n’a pas d’autre choix que de chercher à attirer votre attention à vous adulte, parce qu’il ne se sent pas sécurisé. On est conscient, ou pas, de sa présence. En général conscient. Parce qu’il vient perpétuellement saborder cette belle confiance qu’on appelle de ses vœux. Dans telle soirée, telle rencontre, tel défi à relever, il y a ce moment où il arrive et questionne d’un air inquiet. Et fiche tout par terre. Parce qu’il évolue perpétuellement dans un monde où rien n’est vraiment sûr, où il se sent vulnérable, fragile. Et que cette insécurité l’empêche de se poser. Il m’a accompagné longtemps, en mode perturbateur. Il s’est invité dans beaucoup de situations de ma vie, et à chaque fois m’a déstabilisé. Je l’ai qualifié de tyran, je me suis énervé contre lui. J’ai même fait scission, à un moment, ne le supportant plus.

Et puis cette rencontre. Sous hypnose. Sophie me propose de partir à la rencontre de certaines angoisses d’enfant depuis les Annales Akashiques et sous hypnose. Épisodes lointains auxquels je n’avais pas accès, totalement encapsulés en moi. Nous convenons d’un code gestuel pour oui et non, quelques tests, et la séquence démarre. Je me retrouve en haut d’un escalier à descendre. 10 marches, en bas une porte à ouvrir, et ce à quoi je n’ai pas accès à découvrir derrière. La peur s’invite tout de suite.

Les marches s’enroulent sur la gauche, dans un mouvement circulaire de spirale. Au fur et à mesure que je les descends, lentement, l’angoisse monte. Les trois dernières sont égrenées dans un silence de plomb. Je me retrouve devant cette lourde porte, que mon accompagnante m’invite à ouvrir. Je refuse dans un premier temps : J’ai couru toute ma vie après la découverte de ce qu’il y derrière. Mais j’ai toujours ouvert les portes de ma peur.
J’actionne la clenche et pousse cette porte. Derrière, la pièce est d’un noir de jais, et, malgré l’invitation de Sophie, je refuse d’allumer la lumière. Je crains de découvrir ce que je vais voir. Patiente, elle attend. Puis me demande si je souhaite l’intervention de mes guides. Oui. Deux Moai immenses descendent du ciel, et viennent alors m’encadrer. Ils font quelque chose comme quatre mètres de haut, deux statues de pierre au regard indéchiffrable. Je les vois bien dans le noir. Dès lors, il ne peut plus rien m’arriver. Et la pièce sort alors progressivement de la pénombre.
Ce n’est pas ce à quoi je m’attendais. Décor moyenâgeux de salle de torture, salle circulaire, grande, mur et voûte surbaissée en briques. Un homme devant moi, il n’a pas l’air méchant, il est froid et m’observe. Je l’observe. Sans peur, mes guides protecteurs sont là. J’ai alors dix ans. Je serais seul qu’il ne ferait qu’une bouchée de moi, mais je ne suis pas seul. Je ne sais qui est cet homme, mais il est à lui seul toutes mes peurs, mes terreurs d’enfant. C’est un tortionnaire froid. Les instruments sur les tables derrière lui ne laissent aucun doute sur sa capacité à terroriser de façon implacable, à faire mal. Je le regarde et il me regarde. La situation est figée sur cette potentialité de terreur qui ne peut déferler. Car mes guides sont là, statiques. Présents. Puissants. Mais ils sont de pierre et non de chair, et plus rien ne bouge.

Sophie me demande alors qui pourrait venir m’aider à débloquer la situation. Je ne sais pas. Elle me suggère ma version adulte. J’acquiesce. Et je vois alors arriver par la porte, habillé comme moi, un adulte immense, baraqué, puissant, incroyablement calme. Il passe la porte et regarde le type devant moi. Il ne le toise pas, pas de défi à relever, pas de violence latente, pas de jeu de muscles, on n’est pas sur un ring : une simple présence, dotée d’une puissance que rien ne peut ébranler. Ça émane de lui, ça rayonne, c’est là, ultra présent.

Il regarde l’autre posément, d’un regard clair. Le type en face le regarde aussi, en retour, pas de peur dans ce regard, mais une impuissance à faire. La situation m’émerveille. Je suis enfant et pour la première fois, je rencontre quelqu’un qui peut me protéger. Et ce quelqu’un est moi. Je me dirige alors vers lui. Je grimpe dans ses bras comme à un arbre, bras qu’il referme sur moi d’un geste très protecteur. Il jette un dernier regard, toujours aussi posé, au type dans la salle, et il fait demi-tour, regravissant l’escalier. Nous n’avons pas atteint la dernière marche que je me suis fondu en lui, dans son torse, près de son cœur. Je ne fais plus qu’un avec lui.

Et il se passe alors quelque chose de très étrange. La conscience de mon corps change. Je grandis à une vitesse accélérée, me déploie, me retrouve géant, planté fermement dans le sol. Certain colosse de l’Antiquité me vient à l’esprit. Je suis maintenant déplié et occupe totalement mon espace.

Cette rencontre a été saisissante. Il y avait jusqu’alors deux points de vue antagonistes. Un adulte qui ne savait pas comment rassurer cet enfant, et ce dernier très souvent aux commandes, parce que désespérément inquiet sur sa sécurité. Aujourd’hui les deux sont fondus l’un dans l’autre. J’ai une infinie conscience de cet enfant au fond de moi, et cet enfant est bien. Je raconte ça aujourd’hui car je me souviens de ces années de recherche à me faire questionner par ma thérapeute d’alors sur comment accueillir et rassurer mon enfant intérieur. Je n’avais aucune idée de comment faire, par le verbe. Dans la séquence racontée ci-dessus, tout est passé par le corps, sans une parole échangée, dans l’extinction du mental.

Le corps, définitivement, sait trouver les chemins.
Merci Sophie.

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